Cher(e) ami(e)s, ci-desous et suivant le lien ci-après, se trouve ma lettre au premier ministre du Canada, en français et en anglais. À bientôt.
http://www.zibakazemi.org/pm_stephen_harper.html
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Monsieur le premier ministre du Canada,
Il y a deux mois et demi, une journaliste m'a contacté pour recueillir mes commentaires quant aux déclarations de votre ministre des Affaires étrangères faites le mardi 11 janvier. Celui-ci, réagissant à la publication d’un rapport d’un comité du Parlement iranien qui met en cause l’ex-procureur de Téhéran Saeed Mortazavi dans la mort de trois prisonniers arrêtés durant les courantes manifestations qui ont suivi le prétexte des élections frauduleuse de l’été dernier, a réitéré la demande du Canada pour le rapatriement du corps de ma mère, Ziba Kazemi, et la tenue d’une enquête indépendante sur les circonstances de son arrestation, détention et décès aux mains des autorités iraniennes en juillet 2003.
C'est avec amertume et dépit que je prends connaissance de tels propos. En effet, alors que les gouvernements qui se succèdent à Ottawa, le vôtre comme ceux de vos prédécesseurs, clament depuis six ans et demi déjà leur indignation quant aux actes du gouvernement de l’Iran et à l’impunité dont jouissent toujours les responsables du meurtre de ma mère, votre gouvernement s’oppose toujours aux procédures judiciaires que j'ai moi-même intentées contre le gouvernement de l'Iran, ici à Montréal, et qui visent justement à obtenir le rapatriement du corps de Ziba dans son pays d’adoption, à faire toute la lumière sur les circonstances de son arrestation et de sa mort et à forcer ceux qui en sont responsables à faire face à la justice.
La réponse des Canadiens de tous les horizons à la récente audition dans cette cause fut d’ailleurs merveilleuse. Or, la dernière journée de l’audience, au terme de laquelle sera déterminé mon droit ou non d’obtenir justice devant un tribunal d’ici pour le meurtre d’une Canadienne, aura lieu le 8 mars, journée hautement symbolique. C’est à la veille de cette date que j’ai voulu réagir à vos propos en vous demandant de lever les derniers obstacles qui se posent en travers de la recherche de la justice; particulier la Loi sur l’immunité des États, laquelle pourrait tout aussi bien s’appeler la Loi d’impunité.
En effet, si les portes des tribunaux canadiens nous sont fermées, il ne reste plus aucun endroit où obtenir cette justice tant recherchée, le système judiciaire iranien ayant maintes fois démontré son impuissance et son incompétence en la matière.
Le dossier de ma mère Ziba est sans précèdent. En effet, non seulement est-ce la première fois en 31 ans d’existence que la République islamique d'Iran est citée devant une cour de justice pour répondre de crimes infâmes commis à l’égard d’une citoyenne de notre pays, mais c’est aussi la première fois qu’elle prend la cause à ce point au sérieux qu’elle a retenu les services d’avocats locaux pour se faire représenter. C'est aussi la première fois que la population se sent interpelée et mobilisée, tant au Canada qu’à l’étranger, comme en fait foi la couverture médiatique d’ici et d’ailleurs. Et pour cause. L’histoire de Ziba est l'histoire d'une femme, encore jeune, artiste, cinéaste, photographe, journaliste, humaniste, mère, qui habitait chez-nous et qui maintenant n'est plus, dont la vie fut dérobée de la façon la plus horrifique qui soit, sans raison valable, par des gestes d’une méchanceté et d’une brutalité absolues...
Je vous pose la question : que valait la citoyenneté canadienne de ma mère si ceux qui sont responsables de sa mort ne peuvent être appelés à répondre de leurs actes devant un tribunal canadien? Les souhaits de bienvenue formulés il y a 17 ans, alors qu’elle devenait citoyenne de ce pays, étaient-ils vraiment sincères? N'a-t-elle pas pleinement honoré la chance et l'opportunité qui lui furent offertes par le Canada, tout particulièrement à travers son métier de photojournaliste, qui l’a conduite en Haïti, en Palestine, en Israël, en Afghanistan, au Mexique, en Irak, en Syrie, en Jordanie, en Iran, sur le continent africain et dans tant d’autres endroits où elle exhibait fièrement les valeurs de son pays d’adoption, valeurs qu’elle partageait elle-même?
Or, le gouvernement de l'Iran, qui dans son entier, dans sa mécanique souvent tortionnaire et meurtrière, est responsable de la torture, du viol et du meurtre de ma mère Ziba, tente depuis 2003 de couvrir l'affaire, de littéralement l'enterrer. En s’opposant à ce que justice soit faite devant le seul forum où justice est possible, votre gouvernement ne participe-t-il pas lui aussi à cet enterrement? Ne cautionne-t-il pas les gestes du bourreau?
Mais il y a plus. Pourquoi le Canada a-t-il systématiquement refusé de poursuivre l'Iran devant la Cour internationale de justice pour cette violation claire de règles de droit international de la plus haute importance? Votre parti insistait pourtant jadis, alors qu'il était dans l’opposition, pour que le gouvernement canadien intente de telles procédures. J’ai encore en tête l’indignation de votre ministre Peter Mackay à l’époque. Cette indignation était-elle feinte? Pourquoi votre gouvernement ne met-il pas en pratique les belles paroles que ses membres prononçaient avant qu’ils n’assument la direction du pays?
De quel droit et pour quelles raisons avez-vous systématiquement rejeté les demandes d’agences de l'ONU, notamment le Comité contre la torture, lesquels ont requis la création d’une exception à la Loi sur l’immunité des États pour les cas de torture, afin que l’immunité de poursuite ne puisse plus être invoquée contre des gestes aussi barbares. Supporteriez-vous l’impunité des tortionnaires ou encore pire, la torture elle-même?
D’ailleurs, pourquoi condamnez-vous toujours le gouvernement de l’Iran devant l’ONU en décembre, alors qu’aucune conséquence pratique ne découle de telles résolutions, alors que vous refusez de poser d’ici mars un geste concret qui ferait une réelle différence?
Votre ministre des Affaires étrangères répète pour une énième fois sa demande de rapatriement du corps de ma mère au Canada. Pourquoi le gouvernement iranien vous écouterait-il cette fois-ci, lui qui depuis si longtemps fait la sourde oreille et se moque du Canada à la face du monde? De quelle diplomatie s’agit-il? Les Canadiens et vos ministres n’en ont-ils pas assez de se faire insulter, menacer, mentir et manipuler?
Monsieur le premier ministre, il n'est jamais trop tard pour faire le bien et assumez votre devoir :
1) saisissez la Cour internationale de justice de l’affaire Ziba Kazemi;
2) suivez les recommandations du Comité contre la torture de l'ONU et modifiez la Loi sur l’immunité des États afin d’en soustraire la torture, le génocide, les crimes de guerre et les autres crimes contre l’humanité;
3) exigez le rapatriement immédiat du corps de Ziba en commençant par expulser l'ambassadeur iranien à Ottawa en guise de preuve de votre sérieux; et
4) faites émettre des mandats d'arrêts internationaux contre les criminels qui sont responsables de la mort de ma mère.
Il relève de votre responsabilité comme premier ministre du Canada d’honorer le droit de tous les citoyens de ce pays, y compris ma mère, d’avoir accès à la justice. Si vos prédécesseurs ou vous l'aviez fait comme il se doit, j'aurais pu célébrer la vie de Ziba au lieu d'avoir à souligner sa mort; j’aurais pu à travers la Fondation Ziba Kazemi faire d’avantage connaître son héritage au plus grand nombre plutôt que d’avoir à confronter moi-même ce gouvernement indécent, tout en me retrouvant à assumer d’importants honoraires.
L'esprit du peuple iranien s’éveille de plus belle. Il est partout. Il se trouve à être le même que celui qui a poussé ma mère à agir avec honneur et intégrité, dignité, bravoure et amour, non seulement pendant les derniers moments de sa vie, mais tout au long de son parcours. Je suis moi-même Ziba Kazemi, comme tous ceux qui si généreusement nous supportent. Je serai toujours là, nous l'avons toujours été, nous les gens, les innocents, dans leur parcours simple et bénin.
En espérant pouvoir vous convaincre d’agir comme il se doit, je vous offre, monsieur le premier ministre, mes salutations distingués.
Du fond du cœur,
Stephan Kazemi
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To the Prime Minister of Canada,
Two months and a half ago, a journalist contacted me, seeking my reactions to comments by your Minister of Foreign Affairs on Tuesday, January 11th. These comments were made in the context of the release of a report by an Iranian Parliamentary Committee implicating the former Attorney-General of Tehran, Saeed Mortazavi, in the death of three prisoners arrested during the protests which followed last summer’s contested elections. In response, the Minister reiterated Canada’s demands that Iran repatriate the body of my mother, Ziba Kazemi, and hold an independent inquiry into the circumstances of her arrest, detention and death at the hands of Iranian authorities in July 2003.
I learned of these remarks with bitterness and repugnance. While successive governments in Ottawa, yours and your predecessors’, have, for six and a half years, proclaimed their indignation over the actions of the government of Iran and the impunity which those responsible for my mother’s murder still enjoy, your government continues to oppose the judicial proceedings which I have launched here in Montreal against the government of Iran, and which aim precisely to obtain the repatriation of Ziba’s body to her adopted country, to fully examine the circumstances of her arrest and death, and to force those responsible for these actions to face justice.
The response of Canadians from all backgrounds to the recent hearing in this case has, on the other hand, been marvellous. The last day of the hearing, set to determine my right or not to obtain justice before a domestic court for the murder of a Canadian, will take place on March 8th, a highly symbolic date. As this day is coming, I wanted to object to your position, asking you to act to ensure that the last obstacles standing in the way of the search for justice are cleared; in particular, the State Immunity Act, which could just as well be called the State Impunity Act. If the doors to the courts of Canada are closed to us, there will no longer be any place in which to obtain this much sought justice, since the Iranian justice system has proven, many times over, its powerlessness and incompetence in this matter.
My mother Ziba’s case is without precedent. Not only is it the first time in its 31 years of existence that the Islamic Republic of Iran has been brought up before a court of justice to answer to vile crimes committed against a citizen of our country, but it is also the first time that it has taken a case seriously enough to retain local lawyers to represent it. It is also the first time that the public seems to be engaged and mobilized, both in Canada and abroad, as the media coverage here and elsewhere indicates. And for good reason. The story of Ziba is the story of a woman, still young, an artist, film-maker, photographer, journalist, humanist, mother, who lived here, and who is no longer; whose life was stripped from her in the most horrific way possible, without any legitimate reason, by acts of absolute viciousness and brutality.
I would like to ask you: what was my mother’s citizenship worth if those responsible for her death cannot be called to account for their actions before a Canadian court? Was the welcome she was given 17 years ago, when she became a citizen of this country, really sincere? Didn’t she fully honour the good fortune and opportunity offered to her by Canada, particularly through her work as a photo-journalist, which brought her to Haiti, Palestine, Israel, Afghanistan, Mexico, Iraq, Syria, Jordan, Iran, the African continent and many other places, where she proudly exhibited the values of her adopted country, values that she shared?
The government of Iran, which in its torturous and murderous ways is in its entirety responsible for the torture, rape and murder of my mother Ziba, has tried to cover up the affair since 2003; literally, to bury it. By opposing that justice be done in the only forum where justice is possible, is your government not participating in this cover up? Isn’t it supporting the executioner’s actions?
But there is more. Why has Canada systematically refused to bring Iran before the International Court of Justice for this clear violation of international law standards of the highest importance? Your party formerly insisted, when it was in the opposition, that the Canadian government should bring such proceedings. I still recall the indignation of your spokesperson Peter MacKay at the time. Was this indignation a sham? Why has your government not put into practice the fine words of its members before they took control of the country?
By what right and for what reasons have you systematically refused the demands of UN agencies, particularly the Committee against Torture, which require the establishment of an exception to the State Immunity Act for cases of torture, so that immunity can no longer be invoked when such barbarous acts have occurred? Would you support the impunity of torturers, or worse still, torture itself?
Why condemn the government of Iran at the UN in December, when no practical consequences flow from such resolutions, while you refuse to take a concrete step before March which would make a real difference?
Your Minister of Foreign Affairs has repeated the demand to repatriate the body of my mother to Canada on innumerable occasions. Why would the Iranian government listen this time, when it has for so long turned a deaf ear and mocked Canada before the world? What kind of diplomacy is this? Haven’t Canadians and your ministers had enough of being insulted, threatened, lied to and manipulated?
Mr. the Prime Minister, it is never too late to do good and assume your duty:
1) Bring the Kazemi case to the International Court of Justice;
2) Adopt the recommendations of the UN Committee against Torture and modify the State Immunity Act to exempt torture, genocide, war crimes and other crimes against humanity;
3) Demand the immediate repatriation of Ziba’s body by expelling the Iranian Ambassador in Ottawa by way of demonstrating that you are serious; and
4) Issue international arrest warrants against the criminals who are responsible for the death of my mother.
It is a matter of your responsibility as the Prime Minister of Canada to respect the right of all citizens of this country, including my mother, to have access to justice. If your predecessors or you had done as you should have, I could have celebrated the life of Ziba instead of dwelling on her death; I could have made her heritage known to more people, through the Ziba Kazemi Foundation, rather than having to confront this scandalous government myself and incur important legal fees in the process.
The spirit of the Iranian people is now awakening. It is everywhere. It is this which drove my mother to act with honour and dignity, integrity, bravery and love, not only in the last moments of her life, but throughout her whole journey. I am Ziba Kazemi, like all who so generously support us. I will always be there; we have always been, we the people, the innocents, in their simple and benign journey.
Hoping to convince you to act as duty requires,
From the bottom of my heart,
Stephan Kazemi